Hommage à Jacques Laurent par Laurence Varaut
Dernière mise à jour : 28 févr. 2020
Centenaire de la naissance de Jacques Laurent (1919-2000)

Jacques Laurent, né le 5 janvier 1919 à Paris et mort le 29 décembre 2000, était un journaliste, romancier, et essayiste français, élu à l'Académie française en 1986. Il a publié sous une dizaine de pseudonymes dont le plus connu est celui de Cecil Saint-Laurent, l'auteur de Caroline Chérie qui fera sa fortune.
Hommage à Jacques Laurent
Jacques Laurent était toujours présent dans notre vie familiale : comme auteur défendu par mon père, Jean-Marc Varaut, avec lequel il avait des liens amicaux, complices, presque tendres.
Comme ami avec Raoul Girardet, Catherine et Roland Laudenbach, en particulier lors des soirées d’élection, où nous nous retrouvions pour le second tour, rue Traktir.
Un Jacques Laurent politique et historien, aimant les analogies, ironique, précis. Nous étions dans les années Giscard ou les années Mitterrand, mais quelques instants après, parce que comme historien il nous y invitait, le 6 février 1934, en octobre 1917, ou dans le Paris de 1793. Même son écriture, graphologiquement, comporte ces cheminées qui laissent circuler les associations d’idées.
Mais je rembobine, lisant ses livres : Mauriac sous de Gaulle,[1] puis Offenses au chef de l’Etat, audiences des 8 et 9 octobre 1965[2]. Le début des années 60, années de perquisitions (dont chez nous) et de tribunaux d’exception : perméable à la tension des conversations des grandes personnes, j’étais persuadée, à 7 ans, que nous vivions en dictature. Jeune avocat de 32 ans, mon père avait son cabinet dans notre appartement. Je devais parfois venir dire bonsoir et un des hommes présents (Laurent, Laudenbach ou Bolloré) posait son lourd verre de whisky contre ma joue.
L’année de Roman du roman, lui ayant dit que je venais de citer son livre dans une composition française en hypokhâgne, il me répondit en évoquant ses souvenirs d’étudiant qui avait choisi la philosophie et non le droit. Lorsque je suis devenue l’étudiante de Pierre Boutang à la Sorbonne, il amena naturellement la conversation à la période de leur avant-guerre. Alors nous discutions examens et amphithéâtres et il soufflait au- dessus de moi la fumée de sa cigarette. Il me disait, de sa voix agréable, appuyant toujours sur les dentales, ce qu’il pensait de la relation de Maurras et de Boutang, si différente de celle qu’il avait eue, lui. Il le raconte dans Histoire égoïste.
Un jour je le rencontrai bd Raspail, il m’emmena dans un café, où nous sommes restés plusieurs heures.
- Tu veux être avocate ?
- J’admire cette profession mais je ne crois pas.
- Cela me troublait chez mes parents, l’idée que le rôti sur la table avait été payé par un divorce…[3]
Il me parla de son amitié et de sa considération pour son ex-femme, Michèle Perrein.
-Tu vas te marier ? Tu vas porter un foulard Hermès et un collier de perles ?
J’étais fiancée à Pierre-Guillaume de Roux, nous étions très jeunes et il n’était pas question de perles ni de foulards.
Je crois que je l’ai vu pour la dernière fois chez les Girardet, rue Roger Bacon. Il parlait peu. Nous avons encore évoqué Pierre Boutang, lui et Girardet la Résistance, de Gaulle et très peu ou pas du tout la politique actuelle.
Laurence VARAUT
Dernier ouvrage paru : Marie Skobtsov (Salvator 2014).
[1] Editions de La Table Ronde 1964 [2] Editions de La Table Ronde 1965 [3] Le père de Jacques Laurent était avocat.